Ahrimann s’éveilla. Il s’éveilla à la fulgurance de la douleur de la pierre millénaire comme raclant ses os. Ce qui était bien le cas. Car Ahrimann était mort à la vie, dans une deuxième naissance, à jamais éternelle. L’énergie coulait sans tous ses membres, irrigant ses orbites vides d’un halo jaune, deux soleils resplendissants dans le vide de sa haine, microcosme du macrocosme qu’est Azeroth. Ses ongles griffant les murs de cette crypte, Ahrimann se releva et avança. En quelques pas, de plus en plus assurés, il fut au pied d’un escalier qu’il commença à gravir, tandis que ses souvenirs refluaient comme réveillés eux-aussi d’un long sommeil sans rêve.
Il était Ahrimann, humain mais que de nom, car bien des choses le séparaient de ses congénères. Depuis tout petit, seule la connaissance, la sapience était l’objet de toutes ses attentions, et au-delà le secret des Arcanes. Tout, il étudia tout, sciences, langues, philosophie et malheureusement aussi théologie. Il s’engagea sur le chemin de la magie, apprenant sans relâche, parcourant les terres à la recherche des meilleurs maîtres. Les années passèrent et toujours le savoir Ahrimann accumula. Ses connaissances couvraient toutes les voies de la magie, sans exception, et déjà l’ennui l’assaillait alors il se tourna vers la voie de la magie la moins connue car la plus primordiale et la plus crainte, celle de la vie...et de la mort. Ces deux sœurs jumelles ne dansent jamais séparées, connaître la vie, c’est connaître la mort, et inversement. La magie de vie étant l’apanage exclusif des prêtres, ces menteurs au sourire enjôleurs dont les dieux n’avaient pu empêcher les cataclysmes de s’abattre sur Azeroth, Ahrimann se tourna vers l’Art Noir, vers la Nécromancie et vers la connaissance des créatures extra-planaires, que les sots et les ignorants nomment Démonologie. Ces progrès furent rapides, mais la vie et la mort sont toutes deux infinies, comme leur maîtrise. Si ses connaissances étaient toujours plus grandes, les rides sur son visage étaient de plus en plus présentes. Il décida alors d’entamer le Grand Passage, et de devenir un Seigneur Liche. Pour cela, il raffina toujours plus son art, tandis que dans le monde, de grands tourments se préparaient. Son acte ultime était bientôt à même d’être exécuté quand éclata le grand conflit, que le Fléau et sa Légion Ardente, se leva sur le monde, le ravageant du glaive de sa haine. Ahrimann assista à la lutte des humains, à la trahison de leur plus grand champion, tandis que la Peste se répandait. Tout cela ne fit que le renforcer dans ses certitudes et faire accélérer la fin de ses recherches sur le rite du Grand Passage. Et pendant ce temps, le monde dans les flammes et la corruption s’écroulait, un à un les grands seigneurs, morts, vivants, mort-vivants, tombaient sous la domination du Roi-Liche, lui-même poupée d’autres maîtres, Ahrimann en était certain. Mais alors que son rituel allait commencer, Ahrimann succomba à la Peste, sachant ce qui lui arrivait, il mourut en lançant une dernière malédiction, car il ne voulait être l’esclave de personne.
Ces souvenirs lui revenaient alors qu’il sortait du tombeau, il était mort-vivant et pourtant libre. Un autre non-mort semblait l’attendre à la sortie de la crypte, sa face d’ivoire figée dans un sourire éternel.
« -Bienvenue Ahrimann, bienvenue au Glas,.. »